Espace, Image, Texte / Interact Sion – Europan 9



En dégustant une fondue au Café du Soleil, Anthony Leone et moi décidions de nous lancer dans le concours Europan 9 de 2007. Malgré nos occupations respectives, nous trouvâmes le temps de concevoir une vision urbaine et architecturale pour la ville de Sion. Après beaucoup d’heures et quelques nuits bien claires, et avec la précieuse aide de Louisa Gueddimi pour le rendu, nous avons proposé une approche globale et pointue pour le développement de la cité sédunoise.

Aujourd’hui, le jury a délibéré et c’est une honorable mention que nous avons reçu pour notre projet.

La Ville de Sion exposera les projets du 19 février au 1er mars 2008.


Interact

Sion gare: l’attache urbaine

On va pas à la gare pour prendre un train! On y va retrouver ses amis. On y va faire ses courses, travailler, se divertir. Acheter des fleurs pour sa mère, sa femme, sa fille. Chiner des colifichets entre copines. Regarder un film avec les enfants. S’attabler avec des clients venus de loin. Attendre son premier rendez-vous. Se reposer sous les arbres fruitiers. Fêter un copain tout juste déniaisé. Parler du chien de la voisine. Écouter l’accordéon des rues. Admirer le clown et le magicien. S’asseoir sur le banc des garçons ou sur celui des filles. Montrer son nouveau sweat, sa nouvelle robe. Déguster une glace en amoureux. Promener ses petits enfants. Discuter du temps qu’il fait et des prochaines votations. Embrasser ses grands-parents. Manger un sandwich entre collègues. Transiter, se connecter, se relier, s’attacher. Vivre avec les siens et ceux d’ailleurs.

Intentions

La ville de Sion demande de nouveaux espaces pour son développement. À l’est de la gare un secteur d’expansion est en attente. Mais c’est là le seul espace en jachère architecturale que la ville a encore à exploiter. Pour ne pas étouffer, la ville doit alors se projeter au-delà du comblement des espaces vides. Naturellement, elle tend vers le sud, vers le Rhône, car au nord, à l’est et à l’ouest, la montagne qui contribue à sa richesse, rend difficile, incertaine, voire impossible son extension.

Se limiter à l’étude des parcelles 1011 et 1008 adjacentes à la place de la gare et aux quartiers existants c’est repousser une pensée novatrice et génératrice d’avenir pour la ville. Penser au-delà du maintenant. Prévoir l’après de ce qui se fait. Car une fois les trous comblés où ira-t-on ? Le projet exploite donc une pensée pour les décennies à venir.

Il est proposé de conserver l’existant qui fonctionne. Il n’y a pas de tabula rasa. Il y a le respect de l’existant. Permettre à l’urbain présent de se terminer c’est agir avec lui et non contre lui. Vouloir enlever ce qui fonctionne, ou qui demande peu pour exister pleinement, c’est refuser les contraintes du présent pour en apporter de futures. Une solution urbaine, comme architecturale, ne peut exister que si elle offre des possibles et ne prétérite pas, à cause d’une idéologie butoir, le devenir de la citée.

Dès lors, et comme il s’agit d’un concours d’idée, la réflexion est étendue en prenant en compte l’ensemble du territoire en mutation à travers une expérimentation d’espaces urbains, de bâtiments publics et de typologie de commerces et logements. Le périmètre de réflexion devient l’ensemble de la ville de Sion et le périmètre du projet se délimite au nord et au sud du quartier de la gare.

Or, arrivé à la gare, il n’y a qu’un côté: la ville. De l’autre, c’est juste le quartier sud, celui sous la gare. Pour que la ville s’approprie sereinement son futur, il est nécessaire de faire qu’arrivé à la gare, il y ait deux rives nord et sud. Deux rives habitées; égales et différentes. Faire que la gare ne soit pas une frontière, une barrière, une limite, un mur, mais un carrefour. Un pôle, parmi d’autres, qui connecte et soude la ville; une synapse, une attache.

Le quartier de la gare de Sion devient ainsi le nœud du développement de la ville, car, pour acquérir cette terre d’expansion, il est nécessaire d’établir une connexion entre le nord et le sud dont la gare en est le centre.

Projet

Zone industrielle

Comme les zones industrielle et commerciale sont présentement à l’étroit au sud de la gare, elles profitent du désir d’expansion de la ville vers le sud pour se transférer sur le territoire de la commune. Elles s’installent en un lieu plus grand et plus proche des infrastructures dont une pareille zone a besoin. Proches de l’aéroport qui tend à affirmer son usage de plus en plus civil, ce nouveau centre industriel et commercial devient également centre d’affaire. Le fret routier, proche de l’autoroute, celui ferroviaire, par l’établissement d’une nouvelle gare de triage évitent d’encombrer le centre ville et gagnent en efficacité.

Est-ouest

La liaison entre quartiers, entre histoires et vécus urbains, ne s’établit pas uniquement entre nord et sud. Par l’est, les rives vertes du Rhône sont étendues, de proche en proche, jusqu’au jardin oriental. Et une nouvelle gare intermédiaire aux abords de l’aéroport et de la nouvelle zone de développement industrielle, commerciale et d’affaire permet la circulation de navettes ferroviaires pour et du centre-ville.

Plus à l’est, un axe routier est projeté dans l’alignement de la route des Parties-Neuves pour permettre un trafic aisé entre les villes présentes et à venir. Ainsi les futurs quartiers ceignant les voies acquièrent leur autonomie en n’étant plus soumis à la liaison de la rue de la Blancherie ni celle de la Dixence. De plus, ce nouvel axe offre une liaison entre le haut de la ville et le Rhône en complément des axes existants.

Deux gares

L’existence de cette connexion prend vie par l’adjonction en vis-à-vis de la gare ferroviaire d’une gare routière apte à accueillir les 14 lignes desservant la région sédunoise. La liaison entre ces deux gares est renforcée par de généreux passages sous-voie reliant également le quai central; le premier est l’élargissement de celui existant ainsi que sa transformation en vue d’accueillir des services pour offrir aux gares de Sion une zone de chalandise étendue; le second est créé à l’est des gares et permet une liaison rapide et désengorgée entre celles-ci. Le nouveau passage dessert bien évidemment les voies 2 et 3 sur le quai central avec escaliers, rampe et ascenseur.

Plate-forme intermodale

Connecter ensemble les différents moyens de transport permet à cette plate-forme intermodale d’assurer une liaison efficace et économique entre la ville et son territoire. Aux gares ferroviaire et routière, s’adjoignent des parkings de relais permettant ainsi, dans un dessein économique, écologique et de qualité de vie, à tous, d’où qu’ils viennent, d’aller aisément et confortablement dans leurs lieux d’activités et d’en revenir. Sans oublier d’offrir les meilleures conditions possibles à une mobilité douce pour assurer le développement durable de la ville.

Gare routière

Long parallélépipède en symétrie de la gare CFF, installé comme la deuxième joue d’un visage. En son rez se retrouvent tous les services liés au transport par car (guichet, sanitaires, informations, entretien). Son rez assure également la liaison sous les voies avec la gare ferroviaire. Le premier étage, au niveau des quais du train et donnant sur eux, accueille l’administration de la gare routière et postale. Enfin, les deux derniers niveaux offrent à bien plaire des surfaces administratives institutionnelles ou privées.

Le parvis de la gare est couvert pour permettre aux passagers d’emprunter avec confort les 14 lignes de transport. Sont aussi couverts les services de taxi et de dépose rapide. Les quais sont agencés clairement pour permettre une circulation aisée des cars et un repérage facile des passagers.

Le bâtiment de la gare routière est pourvu d’une façade ventilée de verre. Construite en trois couches selon un système simple et reconnu comme efficace, la première assure l’isolation phonique nécessairement importante aux abords du chemin de fer. La deuxième couche porte les sérigraphies et autres jeux graphiques. Enfin la troisième couche peut être ouverte pour permettre aux usagers du bâtiments de ventiler celui-ci. Ce principe est bien sûr extensible aux autres donnant sur la voie ferrée.

Enfin, la gare se part des couleurs du Valais (et de Sion) pour exprimer sa vocation régionale. Une signalétique opportune vient compléter son identification dans la ville.

Place de la gare

Le concept de circulation accepté par la Municipalité n’est pas repris car il repose sur des bases purement circulatoires où les moyens de transport motorisés sont encore et toujours prédominants. Par le balancement entre les deux gares de la circulation des véhicules et l’adjonction conséquente de parkings sous-terrain, une place urbaine voit le jour et offre la priorité aux activités pédestres et conviviales.

Désormais libérée des cars, la place l’est également de toute circulation automobile. L’entrée de parking en sous-sol est déplacée perpendiculairement à l’avenue de France. Le bâtiment faisant face à la gare est conservé pour ses qualités urbaines et ses terrasses couvertes.

En aplanissant la place de la gare, la connexion piétonne entre l’avenue de la gare et la place s’effectue directement, et à niveau, par le passage existant sous la route. Ainsi ce petit carrefour piéton couvert est ouvert sur la place grâce à la suppression de la rampe d’accès routier au droit de l’avenue vers la place.

Ce nouvel espace d’activités communautaires vient en complémentarité de la place du Midi et de l’espace des Remparts. Elle agit également comme espace-tampon aux mouvements de foule (pendulaires, touristes, fête populaire, manifestation, Euro 2008).

Principalement minérale, la place est parsemée de plans de verdure et d’arbres fruitiers apportant ombre et fraîcheur, faune et flore urbaines.

Jardin

Le long du rail, à l’est des gares, se développe un jardin urbain en esplanade. Une haie de graminées vivante et vivace l’habille et le protège du passage des trains. Son sol est un jeu de couleurs et de matières qui captivent et reposent, reposent et captivent l’œil et le pied. Jeu également de socles et de bassins, elle offre une diversité de présences au promeneur. Conçu en fait comme une multitude de jardins structuralistes, il aborde les thèmes de l’eau, du jardin potager, du parterre de fleurs, de la pergola, de l’estrade, etc.

Au nord la topographie en pente est gérée par l’établissement d’une terrasse et le cour de Gare devient simple desserte privée du quartier et chemin piétonnier.

Logement

Ce bâtiment, entre rue et jardin, rattrape en deux niveaux, par ses rez-de-chaussée et rez-de-jardin, la dénivellation. Ainsi un rez inférieur offre à la rue un alignement de surfaces commerciales et d’ateliers. Un rez supérieur permet l’accès de plain-pied à d’autres ateliers et bureaux. À intervalles réguliers des tranchées assurent la liaison publique entre rue et jardin.

Au-dessus de ce double socle, s’étagent des logements. Ceux-ci se structurent de manière complexe dans un jeu de pleins et de vides, comme un jeu de Tetris. De une à trois chambres, en simplex ou duplex, chaque appartement bénéficie d’une terrasse personnelle interne et protégée. Ainsi certaines chambres ne s’ouvrent pas directement en façade mais par les terrasses.

La parcelle appelant un bâtiment profond, des puits de lumière habite le cœur du bâti. Ces cages solaires éclairent principalement les sanitaires, les cuisines et parfois des chambres en complément de leur ouverture en façade. Les puits sont fermés et non accessibles pour assurer l’intimité et la lumière à tous.

L’usage défini la façade à l’intérieur d’une trame riche. À partir d’une structure de base, une diversité et une liberté d’agencement de façades sont offertes aux commerces et espaces de bureaux. Ainsi la façade sur les deux premiers niveaux, principalement vitrée, perd la monotonie de sa structure pour acquérir une vivante diversité selon l’invention laissée aux usagers de l’architecture.

Au nord, le long de l’avenue du Tourbillon, pareil principe architectural se développe et assure un front de rue urbain. Par leur modularité idéale, les rez-de-chaussée peuvent accueillir différents usages, à l’exemple d’une garderie.

EMS et centre culturel

Peu définis, ses objets sont l’expression d’une intention urbaine. Le bâtiment au centre de la partie septentrionale du jardin oriental abrite un possible établissement médico-social. Ouvert et aéré il offre à ses hôtes d’être au cœur d’un jardin urbain proche des services et de la vie de la ville. Le bâtiment assurant la pleine urbanité de la place de la Gare est proposé comme un centre culturel ou d’un usage institutionnel de grande importance en regard de la valeur urbaine et civile de la place.