Du 12 au 19 janvier 2025, les membres de soutien de l’association Focale ont exposé leur travaux. Cette année, c’est le thème « Périmètre » qu’ils ont exploré, en écho à l’exposition des membres photographes de Focale. L’ensemble des travaux a été exposé au Château de Nyon. J’y ai exposé Ombre.
« […] je me suis retrouvé en fait avec la contrainte, comme beaucoup, de devoir faire peu d’images. Alors moi j’ai triché un peu, je n’ai pas fait un film j’en ai fait deux, argentiques. Donc je me suis retrouvé avec 72 poses, ce qui est en fait beaucoup. […] Avec 72 poses, ça oblige à faire des choix, ça oblige à bien regarder son environnement. […] Mais dans un environnement connu, il faut un œil neuf. Alors, c’est pas simple. Parce qu’il faut essayer d’avoir une ingénuité pour regarder cet environnement qui est somme toute connu […] Autour de chez soi, autour de chez nous, c’est assez anodin. […] Ce sont juste des formes, des lignes, des couleurs, des matières. Mais en fait, pour voir tout ça, pour voir ces choses anodines, il faut de la lumière. Et pour les comprendre, il faut de l’ombre.
[…] Et donc ces ombres-là, j’ai essayé d’aller les voir, d’aller les comprendre, et en fait de les dire. […] Mais comment photographier l’ombre pour elle-même ? […] Et donc aujourd’hui, l’image que je vous présente, c’est juste en fait une première étape. C’est une image sur les 72 que j’ai faites. Mais c’est la seule qui, dans ce corpus, pour moi, disait l’ombre au lieu de simplement la montrer. […] »
Pour paraphraser Olivier Beer quand il parle des photographies que Lucien Hervé fit de l’architecture de Le Corbusier, il faut non seulement montrer les ombres mais les dire. Il faut donc éviter les trop grandes évidences, éviter les dessins séduisants. Éviter la trop forte présence de ce qui porte ombre, mais en avoir un peu à laquelle s’attache l’ombre, sinon ce ne serait que simple forme graphique. Il faut éviter aussi que le regard ne s’accroche, en premier lieu, à ce qui porte ombre ou au support de l’ombre, il faut que ce soit l’ombre la forme première. Il faut aussi éviter tout risque paréidolique, parasitisme de l’imaginaire. Il faut permettre de comprendre d’où vient l’ombre, mais sans tout dévoiler pour que l’imaginaire fasse son chemin. Trouver un équilibre où l’ombre, sœur cadette de la lumière, existe pour elle-même et nous interpelle, nous dise quelque chose d’elle. Alors la photographie, lieu de l’indicible, nous dirait quelque chose qui ne serait pas de l’ordre du langage, mais de la poétique formelle et de l’espace virtuel. Et de ce qui ce tient là, pas loin de chez soi. Ce chez soi arpenté jour après jour qu’on ne voit plus que du coin de l’œil en pensant à autre chose. Qui nous interpelle pourtant pour peu qu’on tourne la tête et porte notre regard sur l’anodin où les ombres durent.
Technique :
Une image en niveaux de gris (RVB désaturé), numérisée d’après un négatif Ilford FP4+, 50×70 cm, tirage sur papier Canson Rag et collage sur Alu Dibond, puis inséré dans une caisse américaine blanche.
Remerciements :
Niels Ackermann, Rebecca Bowring, Aurélien Garzarolli