Espace, Image, Texte / Toutes architectures



La nouvelle série d’images exposées au Musée de l’Élysée a trait à la photographie d’architecture. Elle sera la plus fournie.

Si c’est là un domaine dans lequel je me promène depuis déjà longtemps, son exploration est loin d’être terminée. Il ouvre plusieurs questions dont une, peut-être pas la première, mais probablement une cruciale: dans ce qu’on appelle une photographie d’architecture, qu’est-ce qui importe? L’architecture ou la photographie?


L’architecture ou la photographie

Déjà laissons de côté la construction, la structure de l’image, du moins son analogie à la structure architecturale. Puisque toutes deux se construisent selon des règles esthétiques et graphiques, toutes deux sont du domaine du visible et, par là, tentent de répondre à la satisfaction de notre vision. Composer un plan, une coupe, une façade se retrouve dans la composition d’une image. C’est entendu. Je reporte alors cette étude comparative, je ne me soucie pas pour l’instant de cette relation.

Ce qui me préoccupe présentement est de savoir si de montrer une œuvre de l’esprit dans le domaine de l’architecture suffit pour en faire une photographie d’architecture. Ou plutôt, lorsque je prévois, puis je prends, et enfin je revois une photographie qu’est-ce que je vois? Une photographie ou ce qui est photographié? Autrement dit dans une photographie dite d’architecture qu’est-ce qui prédomine: la photographie ou l’architecture?

Pourrait être répondu que c’est là une question de point de vue. Soit. Mais encore? Je me souviens que lors de mes études, Jacques Gubler, alors l’un de mes enseignants, me voyant faire régulièrement des photographies lors des visites d’étude, me proposa d’en faire le sujet de mon mémoire de cours. Lors de l’exposition en classe de cette espèce de reportage, il souleva une question: peut-on exprimer la laideur d’une architecture à travers la laideur d’une photographie? À quoi je répondais: ne risque-t-on pas par là de ne montrer qu’une laide photographie? Et si on en fait une belle photographie, ne risque-t-on pas de ne pas y voir la laide architecture? Pour se nourrir de la question multiple, acceptons que la laideur et la beauté ne sont pas là sujets à débat, elles ne sont que l’expression de concepts généraux. (j’écris cela car déjà je suppose les zélés dires, même justifiés, demander ce que sont laideur et beauté).

Une autre perspective qui peut nous éclairer est l’imaginaire possible à la vue d’une photographie d’architecture. Est-ce là un imaginaire architectural ou photographique? Ce que je vois, est-ce de l’architecture ou une photographie? Comme d’autres avant moi (tel Christian Devillers dans l’Architecture d’Aujourd’hui en 1998) je soutiens que l’imaginaire provoqué est photographique et non pas architectural. Que ce que je vois est, d’abord, une photographie et que l’architecture ne se saisi pas dans sa seule image. Cela peut sembler une évidence, pourtant c’est là une confusion assez commune. Néanmoins, je ne nie pas que je puis nourrir mon imaginaire architectural avec des photographies (ou de la musique, ou de la littérature), mais c’est là un imaginaire qui ne prend pas sa source dans l’architecture.

Maintenant, comment définir ce qu’est une photographie d’architecture? Eh bien! Pour résumer, je dirais que c’est, fondamentalement, une photographie montrant principalement au moins un élément d’architecture. Ainsi un portrait serré sur fond de ville n’en n’est pas une. Un groupe en pied sur une grande place commence à l’être. Une pyramide des sables ou un panorama urbain dans l’album d’un touriste en est une tout autant que celle dans un livre consacré. J’évite ici la notion de la volonté du photographe dans la destination ou l’objet de son image, car la photographie n’est pas toujours entourée d’un contexte et d’une légende et, donc, n’est pas définie autrement que par elle-même.

Or, qu’est-ce que je vois? Une photographie. Qu’y vois-je? de l’architecture. En suis-je bien sûr? Comme architecte, oui. Autrement peut-être non. C’est là, effectivement, affaire de point de vue. Je veux dire en cela, la capacité du spectateur à y voir, d’abord, de l’architecture. Une photographie d’architecture ne serait donc telle qu’en fonction du spectateur. À vrai dire, probablement. Pourtant il reste cette catégorisation, cette étiquette.

En fait si une photographie n’est pas dite d’architecture, n’en est-ce pas moins une? Je crée des photographies, quelque(s) soi(en)t leur(s) qualité(s). Si je décide de les présenter sous l’étiquette de la photographie d’architecture (comme dans celles de l’UEFA ou parmi celles de l’Élysée) ou si autrui les présente ainsi, alors elles en seraient, quoiqu’elles montrent. Une étiquette n’est qu’une aide à la compréhension du monde. Un nom n’est pas la chose. Mais ne tombons pas dans la lâcheté de réfuter par trop les étiquettes qui ne nous nuisent que quand nous y enfermons… mais ne nous y enfermons donc pas.

L’architecture ne prédomine que quand, quelque part, autour de la photographie, une catégorie lui donne pareille appartenance. Dusse-t-elle n’être établie que par une rigidité de l’esprit. L’architecture n’est première, dans ce cas, que pour l’étiquette. La photographie, elle, importe d’abord car c’est elle l’œuvre première. Même au service de la représentation, elle n’en est pas moins photographie. Tout architecte que je suis aussi.